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Yasuní ITT, une initiative innovante de gouvernance

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Initiative Yasuní ITT en débat : un exemple de participation citoyenne ?

Lors d’une Journée d’études multisectorielles, organisée par l’Institut des Amériques, le lundi 30 janvier 2012 à Paris, une réflexion académique critique a été engagée sur les enjeux pour les sciences sociales de l’initiative Yasuní ITT. Lancée en 2007 par le gouvernement équatorien, la proposition Yasuní ITT est présentée comme une alternative post-Copenhague de développement - révolutionnaire pour certains, opportuniste pour d’autres - bousculant le monde politique et la gouvernance mondiale. En effet, payer l’Equateur pour ne pas exploiter des ressources naturelles et énergétiques est une démarche innovante, largement remarquée et relayée, qui amène à s’y intéresser et à se questionner sur les enjeux qui y sont liés.

DSCF4944 (1).JPGCe petit Etat andin s’est fait l’écho de sa propre initiative au niveau international, en établissant des mécanismes de co-responsabilité sur un bien public mondial, déclarant priorité nationale la non-exploitation de trois gisements pétroliers Ishpingo-Tiputini-Tambococha (ITT) du Parc National Yasuní (¼ des réserves connues et localisées du pays), en contrepartie d’une compensation financière de la communauté internationale équivalente à au moins 50% de la perte estimée en revenus liée au maintien du pétrole sous terre. Un autre enjeu également affiché consiste en la protection des peuples en isolement volontaire

[1]. Cette question est emblématique des problématiques de responsabilité des Etats dans la garantie des droits collectifs des peuples indigènes : comment mettre cela en pratique dans un Etat plurinational et pluriculturel comme l’Equateur ?

Yasuní ITT, une politique emblématique du Plan National de Buen Vivir…

L’initiative Yasuní ITT n’est pourtant pas un projet isolé mais s’inscrit dans une dynamique plus globale du plan gouvernemental équatorien de Buen Vivir, qui s’inspire des modes de vie des populations andines (multiculturalité, diversité, altérité). Dans ce plan, la conservation et la gestion des patrimoines naturel et culturel sont présentées comme prioritaires dans les politiques publiques nationales initiées par l’actuel président de l’Equateur, Rafaël Correa, et s’inscrivent dans la nouvelle constitution équatorienne de 2008, première au monde qui considère la nature comme un sujet de Droit.

yasuni-itt-ecuador.jpg

…qui connait des divergences au niveau local

La réserve Yasuní contient les réserves de pétrole les plus importantes du pays. C’est aussi une zone de grande diversité, où vivent deux communautés en isolement volontaire : les Tagaeri et les Taromenane, dont l’existence pourrait être mise à mal en cas d’exploitation. Cependant, les populations Waorani, implantées également dans le Parc, sont plutôt en faveur de l’exploitation. Elles ont d’ailleurs déjà pu percevoir la réversion de taxes de la part des entreprises, et bénéficier du financement de celles-ci pour des infrastructures et services de base tels que des écoles, centres d’assistance médicale, etc., alors que l’Etat était jusqu’à maintenant peu présent en zone amazonienne. D’une manière générale, le projet Yasuní ITT donne lieu à de nombreuses divergences, et les différentes populations de la région amazonienne n’ont pas toutes les mêmes intérêts ni les mêmes objectifs face à l’exploitation pétrolière.

Des acteurs locaux peu impliqués dans le processus de décision

Il semble que les politiques de Buen Vivir (dont l’initiative Yasuní ITT) aient été créées pour la population mais sans la population, dans un processus venant du haut et non d’une consultation des organisations de base. Le positionnement de l’initiative Yasuní ITT, la création du fonds Fidéicomis (avec le Programme des Nations Unies pour le Développement) se sont faits davantage dans le cadre de négociations internationales qu’au niveau national, au travers d’une consultation de la société civile.

C’est à dire qu’il n’y a pas eu de participation effective de la population et des acteurs locaux au moment de la création et que leur implication dans l’application de ces démarches et dispositifs est restée limitée. A partir de ce constat, on peut se demander quelle est la perception de l’initiative Yasuní par les populations et quel a été effort d’explication et d’implication réalisé au niveau local ?
Une étudiante équatorienne, présente lors de la journée d’études, a expliqué que les habitants de la province Orellana, où se situe la réserve Yasuní, sont peu informés sur le projet en lui-même, ses avancées et ses enjeux.

Yasuni ITT, une politique remarquée…

La dernière étude de l’institut de sondage Perfiles de Opinion fait cependant apparaitre un résultat assez surprenant, selon lequel l’initiative Yasuní ITT est l’événement politique le plus important des cinq années du gouvernement de Rafael Correa devant la nouvelle constitution de 2008, ou encore les événements et violences du 30 septembre 2010. Cela s’ajouterait à la grande acceptation de l’initiative au sein de la population équatorienne, fruit d’un travail de diffusion et de communication orienté vers la société civile mené ces derniers mois, par une partie du gouvernement.

Encuesta Perfiles de Opinion 21-23 enero 2012 (1).jpg

 

…mais qui peine à entrer dans un processus de transformation sociétale profond

A ce stade, il est important de prendre en compte les différences régionales et culturelles, ressenties notamment dans la participation et l’implication des populations dans les dynamiques locales ou nationales.

Dans le cadre de son travail avec des petites structures associatives équatoriennes, relativement isolées et peu urbanisées, Une Option de Plus a également constaté cette problématique de la participation et de l’implication des acteurs locaux en vue de changements sociétaux pérennes.
En effet, les populations andines, qui ont inspiré par leur mode de vie, les concepts du Buen Vivir repris dans le plan gouvernemental, sont traditionnellement plus enclines à la participation locale et à une organisation horizontale, en réseau. En outre, elles sont davantage en opposition avec les politiques nationales, du fait de leur solidité organisationnelle et de leur force de proposition.
A l’inverse, les régions de la côte et amazonienne, qui ont connu de nombreuses migrations et influences culturelles, ont moins cet ancrage traditionnel et organisationnel, et peuvent avoir une conception plus fataliste et attentiste de la politique et de l’engagement local.

Même si les changements à court terme ont bien eu lieu, la participation citoyenne dans ce processus de Buen Vivir est plus longue à éclore du fait de ce manque de prise en compte des aspirations « de la base ». Il semblerait alors que la faible implication de la société civile et des acteurs locaux dans le processus de changement, et l’effort d’explication tardif de la part du gouvernement, retarde la transformation profonde des mentalités et l’ancrage pérenne et solide des politiques du Buen Vivir dans le fonctionnement social et politique.

Face à l’isolement et aux problèmes d’accessibilité, face aux inégalités et à des traditions de Buen Vivir encore peu intégrées localement, Une Option de Plus voit dans la mise en réseau et le partage d’expériences et de savoirs, des opportunités et une ouverture pour permettre un engagement plus concret et durable des populations, ainsi qu’un renforcement et une plus grande cohérence des projets de développement local.


[1]Fander Falconí, ministre des Affaires Étrangères, L’Initiative Yasuní-ITT, la grande proposition d’un petit pays, Conseil Administratif et Directif  de l’Initiative Yasuní-ITT, 45p, p15

Cette note a été rédigée par Edith GUIOCHON en Service Civique, au sein d' Une Option de Plus

 

 

 

 

 


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